Célèbre défenseur de la cause animale au travers de ses fonctions de journaliste, de producteur et de président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Allain Bougrain Dubourg anime, avec la philosophe Élisabeth de Fontenay, l'émission de radio « Vivre avec les bêtes » sur France Inter.
"Sous forme d’Abécédaire, Allain Bougrain Dubourg nous raconte une vie de passion consacrée aux animaux.
Tour à tour spectateur émerveillé de la nature et farouche acteur de sa protection, il s’est frayé un parcours hors du commun qui donne tout son sens à l’idée selon laquelle on ne protège bien que ce que l’on connaît bien. Du manchot, en Antarctique, qui tente de lui voler son feutre, aux chiens, en Normandie, dressés pour aider les handicapés, en passant par le jeune rhinocéros qu’il nourrit au biberon, chaque rencontre est source de compréhension, de compassion et d’émotion.
De chaque aventure avec les hommes et les animaux, Allain Bougrain Dubourg tire une leçon philosophique qui nous rappelle que nous sommes partie intégrante de la nature."
Interview de 20 minutes
Rutin : Bonjour. Il y a de nombreux trafics d'oiseaux en France. Que faire lorsque ceux-ci sont récupérés par les autorités, sachant que leur réinsertion dans leurs différents pays semble impossible ? La cage est-elle la seule et unique solution ?
La première des choses, c’est de mettre en place un lieu d’accueil pour les animaux trafiqués. Or, la France, contrairement à beaucoup d’autres pays européens, n’a pas d’établissement de ce genre. Hier, des poissons exotiques interceptés, sont morts de froid faute de centre d’accueil. Il y a environ 15 jours, une soixantaine d’oiseaux ont subi le même sort. Et malgré nos nombreuses demandes, l’Etat n’assume pas ses responsabilités en la matière. Il est parfois possible de relâcher les animaux saisis dans la nature, je l’ai fait avec un orang-outang dont je raconte l’histoire dans mon livre.
Maubert : Quelles sont les espèces les plus menacées sur notre territoire ?
Actuellement une espèce de batracien sur 3 est menacée. De même, une espèce de mammifère sur 4, et une espèce d’oiseaux sur 8. La France est un pays très riche en biodiversité, notamment grâce à ses territoires d’Outremer, qui accueille des espèces dites endémiques, c’est à dire que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, et qui, par conséquent, sont extrêmement fragiles. Certaines espèces d’oiseaux, se comptent en dizaines d’individus survivants.
Tarabiscote : Chasser doit rester un mode de survie et non un loisir. Mais pour ce qui est de la disparition de certaines espèces, je pense que c'est un cycle naturel, où la nature choisit qui reste et qui part. Pour vous, quel type d'alimentation fera vivre l'espèce humaine dans le futur ? Allons-nous tous devenir des végétariens ?
Concernant la nature qui choisit qui reste et qui part, c’est vrai dans le principe. Mais on constate que depuis un siècle, l’homme est devenu l’arbitre en faisant notamment disparaître des espèces que la nature aurait volontiers gardé. Au sujet de l’alimentation, il est évident que nous ne pouvons poursuivre à ce rythme, qui use la planète, et n’est pas durable. La consommation de viande est notamment un problème prioritaire. Il faudra sans aucun doute limiter sa consommation carnée, dans les années à venir. Par ailleurs, on constate qu’il y a un grand mouvement en faveur du régime végétarien, ce qui est une excellente chose.
Julie : A qui s’adresse votre livre ?
Je crois qu’il est tout public dans la mesure où il raconte des anecdotes, donne des informations et évoque un thème très populaire : celui de la cohabitation de l’homme avec les animaux.
Firona4 : Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir protéger les animaux ?
A 12 ans, au lycée de La Rochelle, j’ai créé un club des jeunes amis des animaux. Et la passion ne m’a jamais lâché. Les préparateurs du muséum d’histoire naturelle m’ont ouvert les coulisses de l’établissement pour m’initier. C’est ainsi que j’ai appris à baguer des oiseaux, identifier des serpents ou sauver des hérissons.
leberet : Bonjour. Vous êtes un homme de terrain, j'apprécie ! Les chasseurs aussi sont des hommes de terrain, j'en connais beaucoup et je les apprécie aussi! Comment se fait-il que vous n'arriviez pas à vous entendre ?
C’est une bonne question car on voit bien que dans certains pays (je pense à l’Angleterre par exemple), les associations de protection de la nature et les chasseurs, peuvent travailler ensemble. Malheureusement en France, qui reste le pays où l’on chasse le plus dans toute l’Europe (voire dans le monde), le dialogue reste impossible car les chasseurs veulent élargir les périodes de tir et le nombre d’espèces concernées sans respecter la réalité biologique. Ce qui nous conduit à plaider devant le Conseil d’Etat (avec succès), pour faire imposer l’élémentaire bon comportement. Sous la présidence Sarkozy, des tables rondes réunissant chasseurs et protecteurs, dans l’espoir d’une coopération, se sont soldées par un échec : les chasseurs ont quitté les négociations !
Babiroussa : Que pensez-vous de l'écologie politique ?
Elle me parait nécessaire. Il faut un parti qui fasse office de fer de lance pour porter les idées environnementales mais l’essentiel reste que chaque formation politique s’empare du thème. Cela dit, la question environnementale reste dramatiquement dépendante de l’appréciation économique. Et il y a un manque de courage à refuser la vision qui s’impose à moyen et long terme. Alors qu’on est dans l’urgence.
Robin33 : Qu'attendez-vous de la conférence de la CITES qui se déroule actuellement à Bangkok ?
Je regrette que l’ours blanc n’ait pas été protégé intégralement et que la France se soit abstenue face aux Etats-Unis et à la Russie qui étaient favorables à sa protection intégrale. Par ailleurs, le sort des requins s’améliore un peu. Mais globalement, on assiste à une dégradation pathétique du vivant qui nous entoure. Et, la réglementation n’y suffit plus, il faut mettre en œuvre des moyens de contrôle et de répression.
Babiroussa : Vous avez choisi de vous engager aux côtés de la LPO, pourquoi défendre particulièrement les oiseaux ?
Parce qu’on me l’a demandé tout simplement ! Et qu’en accompagnant cette association, j’ai découvert des gens remarquables, compétents et enthousiastes, qui sont peu à peu devenus une seconde famille. Mais aujourd’hui, la LPO* ne s’en tient plus seulement à protéger les oiseaux, elle s’attache à l’ensemble de la biodiversité.
Bayonne : Vous vous attaquez beaucoup aux chasseurs alors que se sont les premiers à entretenir les forêts. Ils évitent la prolifération de certaines espèces. Quand on voit ce qui arrive en Angleterre avec une constatation énorme du nombre d'accidents avec les animaux sauvages... Qu'en pensez-vous ? Peut-on considérer ce combat comme de l’éco-terrorisme ?
Je ne conçois pas que l’on puisse retirer la vie pour le plaisir. Pour autant, je travaille avec des chasseurs responsables qui peuvent nous accompagner dans la conservation de la nature. Mon combat «anti-chasse» porte prioritairement sur le non-respect des lois par les chasseurs. Et il y a beaucoup à faire ! Quand durant les grandes vagues de froid, il faut intervenir auprès des préfets pour suspendre la chasse, vous conviendrez que les porteurs de fusil pourraient prendre cette initiative eux-mêmes !
Silver34 : Pourriez-vous nous raconter une anecdote, un passage de votre livre pour mieux nous le présenter ?
Une rencontre émouvante avec Claude Nougaro, qui venait d’écrire un texte intitulé «Vieux Tarzan déchu» dans lequel il raconte le déclin de la faune sauvage. Un texte que vous pourrez retrouver dans mon livre.
Millandy : Bonjour. Que pensez-vous de la pensée d’Einstein: «Si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait plus que quelques années à vivre» ? Quelles solutions peuvent être apportées selon-vous ? Merci par avance, et bravo pour votre travail.
On n’est pas sûr que ce soit Einstein qui ait dit ça. Mais la réalité est effectivement tragique. Puisque la pollinisation gratuite des abeilles assure 30% de la production agro-alimentaire. Nous nous battons pour faire reculer l’emploi des pesticides. La France en utilise 60000 tonnes par an.
Robin33 : Vous avez un parcours exceptionnel. Que conseillez-vous à un jeune qui, comme moi, est passionné par les animaux et qui veut absolument défendre la faune ?
J’ai eu la chance de faire de ma passion un métier... qui est le fruit du hasard (je n’ai aucune formation particulière à l’origine). Aujourd’hui, il est conseillé d’être diplômé en biologie. L’idéal est de commencer par se rapprocher d’une association de protection de la nature. De nombreux métiers permettent de côtoyer les animaux mais les places sont chères...
Robin33 : Que pensez-vous de la mode d'avoir chez soi des animaux exotiques, quitte à faire appel à des trafiquants ?
J’y suis farouchement opposé. On les appelle les NAC (nouveaux animaux de compagnie). Ils conduisent effectivement au trafic mais aussi à la dégradation de certaines espèces indigènes. Par exemple la tortue de Floride relâchée dans la nature fait concurrence à la tortue Cistude, indigène.
Laurent : Ce livre est-il une forme de premier bilan sur votre vie de combats en faveur de la nature ?
Il est notamment l’occasion d’évoquer les combats qui ont été menés avec la LPO. je pense au braconnage des tourterelles ou à celui des ortolans qui se poursuit. Mais on parle également de mes rencontres avec de nombreux animaux.
LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) - Agir pour la biodiversité
Colocataires sauvages : épisode #1 Nourrir les oiseaux au jardin, sur un balcon ou dans les lieux publics est chose courante, mais attention aux mauvaises pratiques !! Vous vous posez des questions