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7 juillet 2011 4 07 /07 /juillet /2011 08:59
Indonésie, la forêt enchantée de l’île de Flores

On l’appelle Pong Dode. C’est une forêt luxuriante de quatre hectares qui forme un cercle autour du village de Mano, sur l’île de Flores (province des petites îles de la Sonde orientales). Personne ne sait depuis combien de temps elle existe, mais une chose est certaine : elle n’a jamais été mutilée pas les hommes, bien qu’elle se trouve aux abords d’un habitat moderne. Quel est donc son secret ?
Depuis des générations, la population locale croit à une loi non écrite qui frappe de malédiction quiconque maltraite cette forêt. “Il est interdit d’abattre les arbres, de s’emparer du bois vert, de couper les branches et même de cueillir les feuilles. Il est également interdit de tuer ou de faire souffrir les chauves-souris, les oiseaux, les singes et autres animaux qui y vivent. Ceux qui enfreignent ces interdits sont frappés d’une fièvre délirante que seul le chaman du village peut guérir”, raconte Yakobus Calon, un habitant de Mano.
Le toponyme Pong Dode répond à plusieurs interprétations. En langue manggarai, pong signifie “forêt” et dode est un dérivé de kode désignant le “singe”. Pong Dode serait donc “la forêt des singes”. Mais, selon l’anthropologue Adi M Nggoro, les ancêtres des Manggarais étaient animistes et considéraient que de cette région émanait une force sacrée appelée pong. Aussi Pong Dode signifierait “le bois des singes sacrés”.
Et, encore de nos jours, les villageois savent lire les augures dans les cris des singes. Si ces derniers s’agitent bruyamment à la tombée de la nuit, une personne du village mourra le lendemain. Les gens de Mano racontent aussi qu’un singe blanc, mystérieux, vit dans la forêt de Pong Dode. Selon la croyance locale, quiconque rencontre ou voit ce singe blanc de ses propres yeux connaîtra des changements fulgurants dans sa vie ou sera comblé par la chance.
Les cent cinquante familles de l’ethnie Kuleng qui vivent autour de cette forêt cultivent du riz, des girofliers et du café dans des champs hors du cercle sacré de Pong Dode. “Je ne fais que perpétuer la loi ancestrale”, explique Kanisius Dunte, le chef du droit coutumier. “Autrefois, les sanctions étaient très sévères. Celui qui abattait un arbre devait offrir un cochon à la communauté s’il voulait être libéré de sa malédiction. Aujourd’hui, l’amende du cochon n’existe plus, mais les villageois continuent à respecter la loi.”
La forêt de Pong Dode abrite autre chose d’unique, à savoir cinq tabernacles faits d’un entassement de terre et de pierres. D’après Kanisius Dunte, ces tabernacles étaient autrefois utilisés pour régler les querelles entre villageois si le tribunal du droit coutumier n’y était pas parvenu. Aujourd’hui, ils n’ont plus de fonction. Cette forêt enchantée possède également deux types de sources qui jamais ne tarissent : les sources masculines et les sources féminines. Près des sources féminines se dresse Wae Dode, un obélisque où les ancêtres sont vénérés lors des cérémonies coutumières. Les femmes n’ont pas le droit de se baigner dans les sources dites masculines, et inversement pour les hommes. “Autrefois, toute transgression était sanctionnée par une amende en nature, rappelle Kanisius Dunte. C’était pour veiller aux bonnes mœurs. Car jadis les vêtements étaient chose rare, en moyenne les gens ne possédaient qu’un seul pagne, celui qu’ils portaient sur eux, si bien que, quand ils se baignaient, ils l’ôtaient pour ne pas le mouiller. Aujourd’hui, les mœurs se sont relâchées, hommes et femmes peuvent partager la même source, mais en gardant sur eux leurs vêtements, car ils en ont de rechange.”
Depuis la conversion des villageois au catholicisme, ces sources limpides ont attiré des pèlerins autour de la grotte de Marie. Et voilà qu’à présent le gouvernement local veut implanter dans cette forêt un jardin zoologique, dans le style des parcs safaris de Java-Ouest, Java-Est et Bali. “Le zoo ne détruira pas la forêt et ne s’étendra que sur un hectare”, précise le chef du bureau régional du tourisme et de la culture. “Les cages contourneront les arbres sans en abattre aucun.” Mais le chef du droit coutumier craint que ce zoo ne modifie l’écosystème de la forêt enchantée, en particulier les sources. Les autorités locales auraient-elles donc oublié les commandements de leurs propres ancêtres ?

Courrier International
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